Il y a quelques semaines, un tract anonyme souhaitait créer le doute quant au choix technique pris par la commune pour décarboner le système de chauffage de ses bâtiments. Face à cette désinformation organisée, la municipalité a demandé aux différents experts qui l’accompagnent une note synthétique. Elle est disponible en téléchargement mais également en version imprimée à l’accueil de la mairie.
Quel est le projet de chaufferie ?
La commune du Tourne porte un projet de réhabilitation énergétique de la mairie et du groupe scolaire et de création d’un réseau de chaleur biomasse. Il est prévu de chauffer l’école avec une chaudière à broyat de la partie ligneuse de déchets verts et de bois, en substitution de l’actuelle chaudière fioul située sous l’école. La commune a exprimé sa volonté de ne plus recourir au fioul, qui comprend de nombreux composés organiques volatils tels que le benzène, polluant réglementé susceptible de se diffuser depuis la chaudière ou sa cuve, même lorsque l’installation est à l’arrêt.
Pour maîtriser les coûts de l’opération, la commune prévoit de faire appel à des financements publics, dont celui du Département de la Gironde au titre de la transition énergétique et du Fonds Chaleur de l’ADEME (l’Agence de la Transition Ecologique, établissement public dépendant de l’Etat). En Gironde, l’ADEME a délégué la gestion de ce Fonds au Département, à travers un Contrat Chaleur Renouvelable territorial. Pour l’animation de ce contrat, le Département s’appuie sur l’ALEC (Agence Locale de l’Energie et du Climat) et le SIPHEM (Syndicat Interterritorial pour l’Habitat et la Maîtrise de l’Energie). Le SDEEG (Syndicat Départemental Energies et Environnement de la Gironde) propose par ailleurs un accompagnement technique pour la phase de maîtrise d’oeuvre.
Comment s’est déroulé le choix de cette technique ? Comment son impact sanitaire a été prise en compte ?
Dans le cas du projet du Tourne, l’ALEC a produit une note d’orientation pour l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments. Cette note établit des préconisations visant à réduire les besoins énergétiques des bâtiments, notamment par des travaux d’isolation. Le Département instruit les dossiers d’aide du Fonds Chaleur et s’assure de la conformité des projets aux cahiers des charges techniques établis par l’ADEME.
Les acteurs du Contrat Chaleur Renouvelable territorial (ADEME, Département, ALEC, SIPHEM et SDEEG) agissent en cohérence avec les engagements internationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre et les objectifs nationaux de développement de la chaleur renouvelable. Dans cette perspective, tous les moyens de production de chaleur décarbonée sont envisagés (chaleur fatale, géothermie, solaire thermique, biomasse, pompe à chaleur, réseau de chaleur, …) sans privilégier une solution a priori. La technologie est retenue après analyse du contexte local, en tenant compte de divers facteurs techniques et économiques (foncier disponible, adaptation des terminaux de chauffage existants, ressource géothermique du sous-sol, ressource locale de biomasse, …). Dans le cas du projet du Tourne, à l’issue de l’analyse, la biomasse est apparue comme la solution la plus adaptée pour répondre aux besoins de la commune.
Si la combustion de biomasse pour le chauffage est bien une source de pollution de l’air tout comme le trafic automobile, l’industrie ou l’agriculture, la contribution des chaudières collectives est, en comparaison, bien moins importante : selon l’ADEME les émissions liées au chauffage proviennent très largement des équipements individuels, en particulier les foyers ouverts, les inserts et les poêles à bois (98% des émissions de particules PM2 associées au chauffage proviennent du chauffage résidentiel).
Dans le cahier des charges relatif aux installations collectives biomasse énergie, l’ADEME précise que les chaudières biomasse doivent être conformes à la réglementation européenne, qui définit des valeurs maximales d’émission pour différents polluants. Pour les chaudières biomasse d’une puissance comprise entre 150 et 500 kW, un système de filtration est recommandé, et sera obligatoire à partir de 2025. Dans le cas de la commune du Tourne, la puissance de la chaudière n’est pas encore arrêtée. Cependant la mairie s’est engagée à installer un système de filtration, quelle que soit la puissance de l’installation.
Pour le dimensionnement de la chaudière, et donc la détermination de sa puissance, les animateurs techniques et bureaux d’études respectent les bonnes pratiques qui consistent dans un premier temps à réduire les besoins énergétiques, par exemple en isolant les bâtiments, puis ensuite à choisir une chaudière d’une puissance adaptée à ces besoins limités. Ceci permet de sélectionner une chaudière moins puissante donc moins onéreuse, et qui fonctionnera sur des cycles plus longs, en limitant les arrêts et redémarrages qui conduisent à des émissions plus importantes.
Quel serait le combustible de cette chaudière ?
Le combustible pressenti serait un broyat issu de la partie ligneuse de déchets verts et de bois provenant du syndicat de l’Entre deux Mers pour la gestion des déchets (SEMOCTOM). Il s’agit d’un combustible présentant des caractéristiques définies, et non de déchets issus du tout-venant. Ce choix est cohérent avec l’ambition de la commune, de maîtriser son autonomie énergétique à travers l’utilisation d’une ressource locale, également favorable à l’emploi et à l’activité économique du territoire, et donnant une valeur d’usage à un déchet.
La chaudière fera tout au long de son exploitation l’objet d’opérations de maintenance et de contrôles périodiques, lui assurant un fonctionnement optimal et donc une maîtrise des émissions dans l’air.
Quel impact sur les gaz à effets de serre ?
Enfin, il est important de signaler que ce projet s’inscrit dans une démarche de réduction significative des gaz à effet de serre. En effet, les arbres absorbent et stockent du carbone. Pour cette raison, le bois énergie est souvent associé à l’idée de neutralité carbone : on considère les émissions de CO2 générées au moment de la combustion du bois comme nulles, car elles ont été captées auparavant par la croissance des arbres. Toutefois, ce mode de calcul est insatisfaisant car il ne prend pas en compte les émissions de gaz à effet de serre liées aux étapes amont de préparation du combustible (prélèvement, transformation du bois, transport, …). L’ADEME a défini un facteur d’émission moyen du bois énergie qui en tient compte : il a été établi à 30 grammes équivalent CO2/kWh contre 324 pour le fioul, soit une division par près de 10. S’agissant de l’impact des transports liés à l’approvisionnement de la chaudière, il sera extrêmement limité, avec environ 3 livraisons par an depuis le site du SEMOCTOM.